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n’y a pas de Bressan assez sot pour ignorer que la bière se gâte vite.

— Si vous ne croyez pas mon histoire, allez-y voir, répondit le teilleur de chanvre. D’ailleurs, est-ce qu’on a besoin d’inventer sur le compte des Bressans ? Sait-on pas bien le dicton : Il faut de tout pour faire un monde. Les Bressans étaient donc nécessaires, puisqu’ils existent.

— Ils ont toujours été utiles à nous faire rire ce soir », s’écria Paul.

Une voix s’éleva tout à coup de la partie peu éclairée qui avoisinait la grande porte :

« De l’autre côté de la Saône, mes amis, on doit veiller dans les étables bressanes. Si par hasard on y fait des contes sur la malice des Chizerots, ils sont peut-être plus justifiés que ceux qui vous amusent en raillant la simplicité de vos voisins. Et, puisque vous aimez les dictons, en voici un autre qui ne fut jamais appliqué : Chaque pays fournit son monde. Ce qui revient à dire que partout l’on trouve des sots, des gens d’esprit, et que partout, heureusement, l’on rencontre des gens de cœur. »

C’était l’oncle Philibert, qui avait suivi ses deux élèves pour se rendre compte de l’attrait qui les entraînait aux veillées de l’étable. Il savait bien qu’ils n’y pouvaient rien entendre de nuisible ; mais, par principe, il n’aimait pas qu’on se dissipât dans des entretiens oiseux, et il s’était dit que sa présence seule modifierait ce que pouvaient avoir de trop vulgaire ces propos de village. En effet, la voix populaire approuva le jeune maître des Ravières lorsque, après ces considérations générales, il rappela les bons rapports qu’avaient les gens de la commune avec les Bressans, et lorsque, remontant vers le passé, il leur fit en quelques phrases l’histoire d’Uchizy, que pas un, à coup sûr, ne connaissait.