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chapeau par tous les honnêtes gens à dix lieues à la ronde. Ils n’ont pas besoin de se mettre dans les livres où ils se feraient sans doute moquer d’eux plus loin que cela. Quelle figure y aurais-je, moi, dans un livre, dites voir un peu ?

— Mais une excellente, répondit le docteur, si vous y parliez de ce que vous savez, c’est-à-dire de l’agriculture.

— Ceux qui veulent l’apprendre n’ont qu’à peser la lourdeur d’un soc de charrue ; c’est comme cela que cette science vient et non pas autrement. Les grands liseurs ne font pas les grands travailleurs, monsieur Thonnins. Tant il y a que je trouve votre conseil mauvais. S’il fallait qu’on appelât mon fils « maniaque avec les bêtes », hors d’Uchizy, où on lui pardonne ses lubies à cause de son bon cœur…, je ne sais pas de quoi je serais capable. Je piétinerais sur leurs gazettes, je… non, je ne peux pas vous dire ce que je ferais, » s’écria le bonhomme hors de lui.

Le docteur Thonnins fut obligé de se livrer à une longue exposition de principes pour remettre dans un juste équilibre les idées faussées du maître des Ravières. Comme il le racontait plus tard en plaisantant, il dut improviser un discours entier et prendre son premier point presque avant le déluge, à l’instar de Petit-Jean, afin de démontrer au riche cultivateur la nécessité de la science et les bienfaits dont elle comble l’humanité.

Claude Chardet avait une instruction courte, peu d’imagination, mais un rare bon sens ; aussi suivit-il avec intérêt l’enchainement de cette idée, si bien que, à la fin de cette longue conférence, il tendit la main à son fils et lui dit en riant :

« Il parait que je t’ai fait du tort dans mon esprit, sur le mérite de tes écritures, comme pour ton pressoir qu’on vient voir de Tournus et de Mâcon. Il paraît que ces morceaux de bois que tu ajustes pour en faire des outils, et ces bêtes que