Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

compléter leur instruction dans les hautes classes du lycée et subir leurs examens de baccalauréat. J’obtiendrai facilement une bourse pour un garçon aussi remarquable que l’est votre Vittorio. »

Paul souscrivit avec enthousiasme à ce projet, qu’avec plus de franchise que de civilité son grand-père trouva absurde.

« Vittorio n’a rien au monde, dit-il, et le travail de ses mains est seul capable de lui donner tout de suite le pain quotidien. Les carrières qu’on suit en sortant du collège exigent de la fortune et ne nourrissent leur homme qu’à trente ans. Mon filleul aurait donc tous les ans de grands mercis à ceux qui le soutiendraient. Je connais ce garçon, allez ! Ce pain d’aumône lui passerait par le gosier comme une poignée d’épingles. Il vaut mieux qu’il soit un ouvrier instruit ; pour savoir raisonner, il n’en sera que plus habile dans sa partie, et ses livres le détourneront du cabaret. Voyez s’il ne trouve pas que j’ai raison. Il rit en dessous, le sournois ! »

Vittorio dit alors que son parrain avait deviné sa pensée ; mais, lorsque le docteur lui demanda s’il ne se sentait aucune vocation, il répondit :

« Il n’y a pas encore d’état que je préfère. Cela viendra sans doute. Mais je ne regrette pas de ne pouvoir être avocat. — J’aurais honte de parler devant beaucoup de monde, — ni d’être médecin, car je ne puis voir souffrir. — Quand mon père Sauviac voulait m’apprendre à rebouter, je fermais les yeux dès le premier cri du malade. Je crois, monsieur le docteur, que je ne suis pas fait pour les carrières des gens riches. Ce qu’il me faut, mon parrain l’a très bien dit, c’est un métier qui permette à ma tête de penser aux cent choses qui l’occupent, et qui me donne mon indépendance.

— Oh ! il fera ce qu’il voudra, s’écria Paul. Je lui connais trente-deux métiers, à Vittorio !