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un accident qui causa un émoi terrible et amena une péripétie bien inattendue. Un des vendangeurs, monté sans précaution dans la première cuve qu’on allait fouler, tomba demi-asphyxié sur les amas de raisins en fermentation. Maître Philibert s’élança pour le sauver, aidé de quelques braves gens, qui subirent, ainsi que lui, une asphyxie partielle. Tout en soignant ces cinq hommes, qu’on parvint heureusement à sauver tous, Claude Chardet en vint à penser de lui-même qu’une invention capable d’empêcher de tels malheurs méritait d’être essayée. Comme les charrettes chargées de la vendange de sa dernière vigne arrivaient encore dans la cour, il commanda donc qu’on allât verser le contenu dans la cuve du pressoir condamné jusque-là par lui à l’inutilité.

Trois jours après, le domaine des Ravières avait repris son aspect accoutumé. Il n’y avait plus d’autre trace des vendanges qu’un parfum de vin doux sortant des celliers entr’ouverts, autour desquels-bourdonnaient guêpes et abeilles. À la fin du repas de midi, Paul réclama l’attention et récita la petite pièce de vers suivante :

VENDANGES.

Fête sur le coteau ! l’essaim des vendangeuses
Tournoyant près des ceps chiffonne lestement
Le pampre tout rougi, et, sous chaque sarment,
Cueille du raisin mur les grappes savoureuses.

Rires et quolibets s’échangent vivement.
On aspire à longs traits mille senteurs vineuses.
Du chaud soleil, des fruits, des voix harmonieuses
S’exhale jusqu’au soir un vague enivrement.

Puis le pressoir gémit, et tous courent en foule
Pour goûter le vin doux, qui jaillit et qui coule
En flots blonds dans le verre où pétille son jus.

Et la danse, plus tard, célèbre, par sa ronde,
Du terroir mâconnais la richesse féconde
Et les feux du soleil, dans le cep descendus.