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qui les intéresse. Plus ils grandiront, plus ils seront éloignés de nous, et voilà l’idée qui me ronge. Tout à l’heure, en songeant à cette vigne que je vais replanter, je me suis dit que plus tard ces enfants la vendront peut-être pour s’en faire des rentes, et cela m’a gonflé le cœur. Est-ce qu’ils pourront jamais savoir combien la terre est chère à ceux qui la cultivent ? Est-ce que, dans leurs beaux appartements, ils apprendront à aimer ce vieux domaine des Ravières où tous les Chardet sont nés, ont vécu et sont morts, du plus loin qu’on se souvienne ?…

— Mais ils doivent venir à toutes les vacances, insinua la bonne Catherine. Il faut bien que ces enfants-là fassent leur éducation.

— Ah ! que ne la font-ils ici ! s’écria Claude Chardet. Qu’a-t-on besoin de tant savoir pour être heureux ? Je ferais de Paul un vigneron comme moi ; tu formerais Alice à tenir un ménage ; je n’aurais pas tant d’ambition pour eux que j’en ai eu pour Philibert et Marie… Mais ce sont là des idées de campagnard, comme dirait le docteur Thonnins qui a gardé ces deux enfants-là. Et pourtant il n’est que leur oncle, lui ! Et, quand Paul et Alice sortiront de leurs pensions, ils s’ennuieront ici et ne voudront vivre qu’à la ville… Allons, n’y pensons plus, travaillons seulement à les rendre riches, puisque c’est la seule chose qu’on nous permette de faire pour eux.

— Oui, et habillez-vous vite, mon père, car tout votre monde est arrivé. »

L’entrée tardive de Claude Chardet dans la salle basse fut saluée par des plaisanteries joviales, auxquelles il répondit sur le même ton, tant il avait d’empire sur lui-même. Il fit les honneurs de sa table avec cordialité, et nul plus que lui ne se serait inquiété de l’absence de Philibert, si, au