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une quinzaine, dans la maison patrimoniale de Mme Chardet.

Elle était située dans ce hameau qu’on nomme la Colonne, parce qu’on a trouvé dans la Saône même, en face, une colonne romaine délimitant les anciennes provinces conquises par César. L’oncle Philibert expliqua à ses élèves que Gigny était sur la limite de l’ancien royaume de Bourgogne, en dépit des prétentions rivales de Tournus, qui firent noircir bien des parchemins au moyen âge contre les seigneurs de Chalon-sur-Saône qui réclamaient le fief de Gigny. Encore maintenant, après tant de siècles écoulés, on s’aperçoit que l’on n’est pas encore en Mâconnais dans la petite commune de Gigny. Paul s’amusait des différences qu’il y remarquait entre le patois qu’on y parle et celui d’Uchizy, et, jusque dans les toits pointus, à la bourguignonne, l’oncle Philibert faisait remarquer la diversité de type, d’habitudes, de vie.

Tout est enseignement pour qui raisonne sur ce qui l’entoure. Ainsi, les enfants, auxquels on faisait un cours d’histoire de France très complet, ne s’étaient jamais avisés du sort divers, dans les anciens temps, des deux rives de la Saône qu’ils avaient journellement sous les yeux, lorsque, dans une promenade en bateau, Alice s’étonna d’entendre le batelier dire à tante Catherine qui lui commandait d’aborder à la rive bressanne :

« Vous allez donc sur la terre d’empire ?

— Oui, lui répondit Mme Chardet, vous viendrez nous prendre à quatre heures pour nous repasser sur le réaume.

Réaume ? Est-ce que ce n’est pas le mot patois pour dire royaume, ma tante ? demanda Paul.

— Certainement.

— Royaume ici, empire en face, est-ce que tu comprends, Vittorio ?

— C’est toi quine réfléchis point, dit Vittorio en souriant ;