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que ses bêtes pâturaient, il lisait, couché sur l’herbe ou adossé à une roche, dans ces landes semées de serpolet, de bruyères et de larges pierres noires que l’on nomme à Uchizy des teppes[1]. Il n’interrompait son élude que pour courir après quelque insecte jugé par lui digne de l’attention de l’oncle Philibert.

Ce fut dans le mois d’août que les enfants firent cette chasse aux phalènes dont ils se promettaient tant de plaisir. En plusieurs soirées, pendant lesquelles il ne tint qu’aux promeneurs attardés de croire que des feux follets s’allumaient sur la steppe du Roux, dans les prés de la Beleuse, et jusqu’auprès de la croix des Glaçons, les jeunes naturalistes firent de belles prises à la lueur de leurs lanternes, auxquelles les papillons de nuit venaient frôler leurs ailes.

Ils attrapèrent le grand-paon qu’ils prirent pour une petite chauve-souris, lorsqu’il toucha de ses quatre ailes ponctuées d’yeux noirs les cheveux d’Alice ; ils ne connaissaient, jusque-là, que sa chenille vert clair, aux aspérités terminées par un tubercule couleur de turquoise, pour l’avoir trouvée su un abricotier. Vittorio prit la phalène feuille-morte, dont les ailes sont festonnées, et qu’on a tant de peine à distinguer des feuilles sèches tombées à terre. Les enfants trouvaient cette proie peu intéressante ; mais l’oncle Philibert leur rappela qu’ils avaient admiré les œufs de feuille-morte, qui sont d’un bleu vif, tout cerclés de bandes brunes, comme le sont les petits barils.

Alice recueillit dans son filet le flot, phalène ainsi nommée parce que ses ailes supérieures ont trois bandes brunes ondulées, se détachant sur un fond couleur de mer houleuse ;

  1. Ce mot est évidemment le mot steppe, qui nous vient par la Russie des langues orientales. Il désigne, à Uchizy, comme partout ailleurs, une terre non défrichée, et il est une réminiscence lointaine de la langue oubliée des Sarrasins, premiers colons du territoire chiserot.