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ma recherche aura réussi, je verrai au clair tout le long de ma vie ; les gens de ce village se rappelleront mon père et ma mère ; ils me parleront d’eux, me les feront connaître, et je quitterai content mon pays natal.

Tu y trouveras peut-être cet oncle qui t’a donné à Sauviac avant de partir pour l’Amérique, lui dit Paul.

— S’il était revenu du nouveau monde, il serait allé me réclamer à Mozat. Tu sais d’ailleurs ce que nous lisions hier sur le sort des émigrants en Amérique : ou ils s’y plaisent tant qu’ils en oublient leur patrie ; ou ils se prennent de nostalgie et meurent bientôt.

— Ce Paul ne pense qu’à l’intérêt, dit Alice. Moi, je préfère que Vittorio ne retrouve personne de sa famille. Il me semble qu’il nous aimerait moins… Et il y a une chose qui me fâche dans ton projet, Vittorio, c’est que tu parles de voyager, de t’en aller bien loin. Est-ce que tu ne t’ennuieras pas loin d’Uchizy, comme je m’ennuierai, moi, de ne plus te voir ?

— Mais j’y reviendrai toujours, dit Vittorio. Est-ce que vous n’êtes pas ceux que j’aime le mieux au monde ? Seulement ce n’est pas ici que je pourrai gagner assez, étant grand, pour venir en aide à ma mère Sauviac, comme je le dois. Elle a eu beau refuser par fierté, elle m’a nourri étant petit, je dois la nourrir dans sa vieillesse.

— Quoi ! tu ne gagneras pas assez pour cela en faisant des sabots ? » demanda Alice toute rêveuse.

Paul éclata de rire à cette naïveté.

« Nous sommes riches, dit-il à son ami d’un ton sérieux ; nous t’aiderons. »

À son tour, Vittorio se prit à sourire et il répondit :

« Merci, non. Ce n’est pas toi, mais moi qui dois faire ma destinée. À chacun son devoir. Tu n’as que celui de m’aimer, parce que je t’aime. »