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— Mais sa figure, son nom ?

— Rien, je ne sais rien de plus. Mon seul souvenir précis est celui de sa voix dont elle me chantait des chansons à refrains pour m’endormir. C’étaient des cantiques ou des compliments dont quelques fragments d’airs me sont restés. Je les ai chantés à l’oncle Philibert ; il dit que c’est de la musique italienne, que cela ressemble aux cantiques vénitiens, chantés devant les madones des lagunes.

— Nous étions en Suisse avec ton chalet, nous voici à Venise avec tes cantiques, dit Paul avec un peu de mauvaise humeur. Comment veux-tu que nous devinions d’où tu viens ?

— L’oncle Philibert y a renoncé, dit Vittorio, mais pas moi. Voici ce que je ferai plus tard. Quand je saurai un état et que j’aurai déjà économisé un peu d’argent, je m’en irai de ville en ville pour exercer mon métier. Je parcourrai ainsi la Suisse et tout le nord de l’Italie. Je visiterai surtout les villages situés au pied des Alpes et des Apennins. J’apprendrai ainsi lequel d’entre eux a été brûlé dans l’été de 1852. Ce sont des événements qui ne s’oublient pas, et l’on a dû reconstruire des chalets autour de l’église et du presbytère, qui seuls n’ont pas été brûlés. Cela a été affirmé devant moi, par mon père Sauviac, au curé de Mozat… Je finirai bien par trouver mon village.

— Peut-être ton père t’a-t-il laissé du bien, dit Paul. Tu en hériterais.

— Oh ! ce n’est pas cela qui me préoccupe. Pour sur, mon père a été ruiné. Il ne devait rien posséder au monde que son chalet et son bétail ; mais je n’aurai pas le cœur en repos tant que je n’aurai pas pu prier sur la tombe de mes parents. Tous ces souvenirs, vois-tu, c’est comme une énigme dont je ne sais pas le mot et qui me tourmente la tête. Quand