Mais était-ce de colère ou d’émotion ? C’est ce que ni son fils ni le sabotier ne devina.
« Et toi, continua le maître des Ravières en s’adressant à Jean Lizet, combien as-tu d’enfants, dis-moi : quatre ou cinq ?
— J’en ai, ma foi, bien six qui ont toutes leurs dents, et qui mangent, les enragés, comme si j’avais les revenus d’un château.
— Tu as peine à les nourrir, et tu rognes leurs parts pour un étranger !… Tu n’es qu’un imbécile ! cria Claude Chardet, tu gueuseras toute ta vie… »
Puis, après avoir frappé du poing sur la table, il prit une feuille de papier, y griffonna quelques mots de sa haute et large écriture de paysan, et la tendit au sabotier en lui disant d’un ton radouci :
« Tiens, Jean Lizet, voilà ta quittance de l’année dernière et de l’année qui court. Va me chercher Vittorio et amène-le-moi ici avec ses paquets.
— Oh ! maître Chardet, n’ayez crainte, je vous payerai peu à peu, dit le sabotier, car accepter un tel cadeau… »
Le poing de Claude Chardet reprit son chemin vers la table ; mais il s’arrêta en route, et vint s’aplatir sur l’épaule du sabotier.
« Quand je te dis que tu es un imbécile !… Vas-tu pas faire des façons !… Si tu ne prends pas cette quittance, tu sais que je suis dans tous mes droits pour te chasser de ma maison à la Saint-Martin et je ne m’en priverai pas. »
Alice et Paul, transportés de joie, allèrent au-devant de leur ami, qui vint aux Ravières un quart d’heure après, mais sans y apporter ses paquets. Il supplia maître Chardet de le laisser en apprentissage chez le sabotier, en alléguant qu’il préférait cet état à celui de cultivateur. Il promit de passer