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Voyons ! parle et montre-moi ton visage ; je ne peux pas te laisser en grande angoisse comme je te trouve, sans t’assister d’un conseil de bon chrétien. »

À demi pâmé, Vittorio entendit ces paroles comme à travers un rêve et n’y répondit pas ; alors l’homme, posant à terre les bras d’une charrette dans laquelle il traînait lui-même deux grosses souches de chêne, descendit dans le fossé et releva Vittorio qu’il reconnut tout de suite, car il poussa cette exclamation : « Tiens ! le petit au rebouteur. »

Vittorio frotta ses yeux, et reconnut à son tour Jean le sabotier ; pressé de questions, il dut lui raconter quels regrets, quelles appréhensions l’avaient jeté sans courage au fond de ce fossé.

« Mais c’était un enfantillage, dit-il ; maintenant j’aurai plus d’énergie… Ce qui me désolait, c’était d’avoir été obligé de partir comme un voleur, sans serrer la main à personne, sans qu’on me souhaitât du bonheur sur ma route. Mais vous voilà ! Embrassez-moi, voulez-vous ? et je m’en irai consolé. »

Jean le sabotier commença par embrasser Vittorio à pleines lèvres.

« Non, tu ne t’en iras pas ! s’écria-t-il ensuite. Est-il possible qu’on t’ait laissé partir tout seul ?… C’est bien dur… Enfin, chacun est maître de sa conduite ; mais ma cervelle me grésille dans la tête à l’idée du tourment que j’aurais si je savais mon Jean-Louis tout seul sur les chemins, comme un malheureux chien perdu. Et c’est parce que ton père est mort que tu en es réduit là, toi !… Tu vas venir chez moi… Oh ! tu n’as pas le droit de me refuser. Je te le commande, entends-tu ?

— Non, je ne veux être à charge à personne, répondit Vittorio.