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Le 3 mars suivant, dès le grand matin, la maison des Ravières présentait un spectacle animé. Les invités y arrivaient par groupes, en costume de travail, l’outil sur l’épaule, et franchissaient, en causant entre eux, la haute porte de la cour, dont le fronton, couvert d’un tuilage, portait, sculpté dans sa pierre, le chiffre 1797, date de sa construction.

Tous les bâtiments qui entouraient cette vaste cour n’étaient pas de cette époque. La maison des maîtres valets, avec son escalier de pierre extérieur montant au premier et unique étage, ses piliers de bois rejoignant le toit en auvent par un Y gracieux, sa porte basse ornée de clous et ses fenêtres à petites vitres verdâtres, était de ce temps-là, ainsi que le pigeonnier en tourelle dont le pied plongeait dans la mare où se déversaient les eaux des étables voisines ; mais la maison du maître, qui séparait cette cour du jardin, était tellement neuve qu’elle n’était pas encore terminée.

Le perron en fer à cheval et à sept doubles marches de pierre rose attendait sa rampe de fer ; les fenêtres étaient sans rideaux ni persiennes.

Claude Chardet avait fait bâtir cette maison pour y recevoir dignement sa fille et son gendre dont il était fier à bon droit. M. Paul Thonnins était l’ingénieur civil le plus en renom de tout le Lyonnais. Mais, ce jeune couple étant mort presque simultanément d’une angine, le pauvre père avait arrêté les travaux, et, depuis un an, la construction attendait qu’on rabotât les planchers et qu’on tapissât les murs. Dans ses chambres désertes, les meubles déjà achetés gisaient dans leurs cadres d’emballage rembourrés de foin.

Le rez-de-chaussée seul était occupé par le ménage sans enfants de Philibert Chardet, qui vivait avec son père. La femme de Philibert avait pour Claude Chardet des soins filiaux ; mais le chef de famille éprouvait une telle répu-