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— Attends ; il n’en restera peut-être pas. Ce doit être très cher de payer les crieurs publics de tout un département, dit Alice. Moi aussi, je vais casser ma tirelire… Je n’achète ni toupies, ni billes, ni fouets. Je gage que je serai la plus riche des deux. »

Aussitôt dit que fait. Il se trouva que la seconde tirelire contenait cent quarante-six francs. Elle prit dans ses deux mains les pièces d’argent toutes terreuses des débris de la tirelire, et les mit en tas devant Claude Chardet en lui disant :

« Tiens, grand-père, voilà pour la pension de Vittorio. Comme je serai très sage, on m’en donnera d’autres ; je te les remettrai à mesure. Puis, je ne déchirerai plus mes robes, et l’argent qu’on dépenserait pour m’en acheter de neuves, tante Catherine te le donnera, toujours pour la pension de Vittorio.

— Sans compter le mien, ajouta Paul. Avec Vittorio ici, je ne serai jamais puni, non, et je ne dépenserai plus rien en niaiseries… Tu me l’as dit toi-même, oncle Philibert, c’est aux riches d’aider les pauvres, et garder Vittorio avec nous, c’est mieux que de donner un petit sou par ci par là à quelque mendiant.

— Oui, mon enfant, répondit l’oncle Philibert, donner un petit sou, c’est faire l’aumône ; aider son prochain de son argent et de son affection, c’est pratiquer la vraie charité. »

Le maître des Ravières repoussa de la main le petit tas d’argent que Paul et Alice avaient mis devant lui, et il sortit tout pensif. L’élan de ses petits-enfants le rendait fier ; mais leur naïve compréhension du motif d’intérêt qui l’avait fait hésiter un instant à garder leur ami lui était pénible. Il souffrait de mériter la leçon de bienfaisance que lui donnaient leurs bons petits cœurs.