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mais les enfants avaient interprété à leur manière cet aveu de leur grand-père. Chacun d’eux, à part soi, rumina là-dessus un projet qui se trouva le même, par une coïncidence naturelle de sentiments.

Le souper fut des plus tristes ; ce fut au dessert que Paul, le premier, fit à son grand-père cette singulière question :

« Grand-père, est-ce que je suis riche, moi ? est-ce que j’ai quelque chose qui m’appartient ?

— Qu’est-ce que ça te fait ? » lui répondit Claude Chardet, qui, sans apprendre à Paul le chiffre de sa fortune future, lui expliqua que son pain était assuré, mais qu’il n’aurait la libre disposition de son bien qu’à sa majorité, ajoutant qu’en tout cas, un peu d’aisance ne devait pas être pour lui un brevet de paresseux.

— Oh ! c’est bien entendu, cela, répliqua Paul. Est-ce que vous ne travaillez pas, vous autres qui êtes riches ? Et moi aussi je veux m’occuper, ne fût-ce que pour ne pas m’ennuyer. Mais que c’est donc contrariant de n’avoir rien à moi !… Alors qu’est-ce que je puis avoir dans ma tirelire ? Tiens ! je vais la casser. »

Lorsqu’un coup de marteau appliqué sur le petit tonneau eut dispersé sur la table des fragments de terre vernissée, Paul trouva, tant en pièces d’or et d’argent qu’en gros sous, un peu plus de cent francs.

« Voilà une somme ! dit-il avec orgueil. Oncle Philibert, prends-la. Il y a bien assez, là, pour qu’on fasse tambouriner, dans tous les villages de Saône-et-Loire, qu’on demande Vittorio dans la famille Chardet. Vittorio entendra cette annonce dans un hameau ou dans l’autre, et alors il reviendra. Puis, s’il reste de l’argent, je te payerai sa pension, grand-père.