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qui portait l’adresse de maître Philibert. Claude Chardet avait, pour sa part, six de ces larges corbeilles dans lesquelles les pains à enfourner prennent leur forme arrondie.

Tous les objets de la confection de Vittorio, qui composaient ces humbles dons, n’étaient accompagnés d’aucune lettre d’adieu. L’enfant n’avait eu ni le temps ni peut-être le courage d’écrire à ses amis. Emporté hors de leur maison par un scrupule de délicatesse, il avait fui plutôt qu’il n’était parti.

Les maîtres des Ravières étaient si émus, et, en même temps, si surpris de cette décision de l’enfant, que, sans faire attention à la présence de Paul et d’Alice, ils se demandèrent ce qui avait pu motiver le départ de Vittorio. Ils reprirent l’un après l’autre tous les points de leur conversation avec la Bourbonnaise, et Claude Chardet eut la bonne foi de s’accuser le premier.

« Il a pu croire, dit-il, que je reculais devant la dépense de son éducation, quand je ne voulais que montrer à la veuve qu’il n’était pas honnête d’abandonner aussi légèrement ce pauvre garçon. Eh bien ! je paye cher ma mauvaise pensée, une pensée d’avarice. Je te l’avoue, Philibert, si j’ai hésité à prendre à ma charge cet enfant, c’est que, dans le premier moment, je me suis dit que cela me coûterait bon. Et je donnerais… je ne sais quoi pour qu’il fût là, ce Vittorio. Voilà un remords pour la vie, si nous ne le revoyons plus. Je me rappellerai que, si j’avais dit tout d’abord à la veuve ce que je lui ai dit ensuite, ce garçon ne courrait pas seul les chemins, exposé à tourner mal. Voilà ce que c’est que de barguigner ; on s’ôte tout le mérite du bien qu’on veut faire ensuite. »

Le maître des Ravières s’accusait trop hautement pour que sa belle-fille et son fils insistassent sur ce point douloureux ;