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— Oui, dit Joseph Courot, car Philibert, le fils de Claude Chardet, n’est guère propre à le consoler. Il est si simple qu’il en est sot. En voilà encore un que l’instruction a hébété !

— Je ne sais point, je ne m’y connais guère, reprit le père Billot ; mais, si maître Philibert Chardet s’amuse à des tas de choses qui m’étonnent, comme à piquer sur du carton des rangées de bêtes que j’écraserais sous mon sabot, à ramasser, à dessiner des herbes que je fourrerais dans le râtelier de mes animaux, il se connaît au temps mieux que le meilleur almanach, il sait soigner les bestiaux malades, et ne peut être trompé dans ses achats par aucun maquignon. Puis c’est un homme juste, bon au pauvre monde et qui commande avec douceur.

— Et cela te plaît, car Claude Chardet est dur, lui, n’est-ce pas ?

— Bah ! il est plus dur pour lui-même que pour ses gens gagés, le premier debout, le dernier couché, comme s’il avait son pain à gagner. C’est de la race intrépide des vieux Chiserots ; la tête vive, les bras actifs, un vrai Sarrasin, quoi[1]! »

Joseph Courot, qui entendait cet éloge avec dépit, frappa du poing sur la table.

« Un vrai Sarrasin ?… Non, dit-il. Sais-tu seulement, père Billot, — car enfin ces vieilles idées commencent à se perdre, — sais-tu seulement ce que c’est qu’un vrai Sarrasin ?

— Je reconnais votre chanson à son air, répliqua le père Billot d’un ton narquois. Pour être un vrai Sarrasin, à votre goût, mon maître, Claude Chardet aurait dû marier sa fille avec n’importe lequel de vos amis, avec le meilleur peut-être, et recevoir à coups de trique, les prétendants venus des

  1. Uchizy a été fondée par une colonie sarrasine.