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s’était réservé de l’amener peu à peu à admettre ce parti généreux et peut-être en effet cette façon d’agir eût-elle eu plus de chances de recevoir l’approbation du maître des Ravières ; mais présentée tout net, au moment où il était sous le coup d’autres préoccupations, cette proposition le choqua.

« Aucune mère, dit-il, ne voudrait laisser son enfant à des étrangers ; c’est détruire l’esprit de famille. Vittorio souffrirait en retrouvant la pauvreté à Mozat après avoir quitté notre maison ; cela pourrait fausser son caractère et même son cœur. Ce n’est pas là ce qu’aurait voulu Jacques Sauviac. Votre bonté vous égare, Catherine, ou plutôt le désir de laisser aux enfants un camarade qui leur plait. Eh bien ! je trouve, moi, qu’il ne faut pas sacrifier le bonheur futur de Vittorio aux plaisirs de nos enfants. Ils se sont aimés ; ils s’estimeront bien mieux quand ils se retrouveront plus tard, chacun à sa place dans la société, faisant le devoir qui leur était commandé par la destinée. Je ne veux pas, moi, que Vittorio, élevé avec eux, ait à les envier plus tard ; mais il n’est pas temps de discuter cela. D’ailleurs je pense que vous comprendrez tout ce que je viens de vous dire. Retournez près de ce pauvre enfant qui n’a qu’un désir, croyez-le bien, c’est d’embrasser sa mère. »

Claude Chardet avait calculé juste en disant que la veuve de Jacques Sauviac ne pourrait pas arriver pour la triste cérémonie. Quand les cloches de l’église tintèrent le grand glas, sonné seulement pour les riches, l’étrangère n’avait pas encore paru à Uchizy.

Le maître des Ravières, vêtu de noir, prenait la tête du cortège en soutenant Vittorio qui était revenu enfin à lui et qui avait voulu se lever, lorsque Jean le sabotier se présenta, accompagné de son fils, et réclama le droit de marcher au premier rang avec eux.