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Le char à bancs fit un détour vers le Pilori pour aller annoncer l’accident à Joseph Courot, qui se trouva tout à point sur le pas de sa porte. Il se prit à jurer comme un païen sans songer à offrir un remerciement à Sauviac, ingratitude qui fut rendue plus sensible par le contraste des transports reconnaissants du père de l’autre noyé.

C’était cependant un homme inculte, un simple sabotier ; mais, après avoir écouté la nouvelle d’un air effaré, il sauta sur le marchepied du char à bancs, et frotta sa figure barbue contre les joues de Sauviac, en lui disant :

« Tant pis, il faut que je vous embrasse… encore… et encore donc !… Mon gredin de Jean-Louis ! vous l’avez repêché ! Ah ! ces diables d’enfants !… Et vous savez, si vous avez jamais besoin de moi, Jean le sabotier n’est pas riche, mais il vendrait son dernier tronc de charme ou de chêne pour vous obliger… Et encore donc un baiser ! Je n’en ai jamais donné de si bon cœur, et, si je pleure malgré moi, ne me prenez pas pour un sot… Vous avez des enfants, pas vrai ? »

À peine fut-on rentré aux Ravières que Sauviac s’alla coucher ; il avait des éblouissements, et ses jambes fléchissaient sous lui. Si Vittorio l’avait osé, il aurait renouvelé son exploit du premier jour de son séjour à Uchizy et serait parti à Tournus pour en ramener le docteur ; mais l’état de Sauviac ne paraissait dangereux à personne. On croyait à une simple indisposition qu’une nuit de sommeil suffirait à dissiper.

Par malheur, Philibert Chardet, si expert en sciences naturelles, n’avait rien étudié qui eût trait à la médecine ; on se borna donc à tenir Jacques Sauviac chaudement, à lui offrir des boissons de tout genre, qu’il refusait d’un geste saccadé. Il se renfermait dans un silence presque absolu, réunis-