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Joseph Courot se trouva chez lui à point nommé pour recevoir l’invitation que le père Billot lui fit dans les règles ; voulant y faire honneur, il cria à sa ménagère d’aller chercher à la cave une bouteille de vin mousseux de Viré, afin, dit-il, de marier le blanc au rouge dans l’estomac du père Billot. Celui-ci ne fut pas dupe de cette amabilité et ne se trompa point en jugeant qu’elle avait pour but de le faire jaser sur ce qui se passait aux Ravières ; mais il ne pouvait refuser cette politesse adressée par un riche cultivateur, à lui, simple vigneron, et il s’assit dans la vaste cuisine enfumée, auprès du feu de vieilles souches, dont les lueurs bleuâtres faisaient danser des paillettes dans les assiettes en faïence peinte accotées au dressoir de noyer.

Quelques minutes après, la bouteille de Viré était placée sur la longue table entre une assiettée de noix et une pile de gaufres, et les dernières gouttes de la première santé portée pétillaient encore au fond des verres, lorsque Joseph Courot dit au maître valet de ferme :

« Est-ce que c’est pour célébrer la fin de son deuil que ton maître nous promet une si belle fête ! Depuis qu’il a perdu sa fille et son gendre, les Ravières étaient bien monotones. Est-ce qu’on dansera comme de coutume après le plantage de la vigne ?

— Oh ! non, répondit le père Billot hochant tristement la tête. Pourtant, que mon maître eût ou non le cœur gai, il fallait planter sa vigne des Glaçons, puisque le terrain avait été défoncé, préparé, et, dès lors, il ne pouvait moins faire d’inviter ses amis. Mais, de longtemps, le plaisir ne rentrera aux Ravières. Songez donc, maître Courot, perdre en dix jours, il y a un an, sa fille et son gendre, c’est de quoi amasser au cœur de mon maître de la peine pour longtemps, autant dire pour sa vie.