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portée ; mais il dut poser la tasse après l’avoir effleurée à peine de ses lèvres.

« Je ne puis pas, dit-il j’ai quelque chose qui me tourne dans la tête et dans l’estomac.

— C’est que vous vous êtes donné grand chaud en courant sur la rive avant d’aller piquer une tête dans la Saône. Raison de plus pour faire revenir, en vous réchauffant, cette sueur que vous avez coupée.

— Non, je crois plutôt que c’est parce que je venais de manger solidement avant de me mettre à l’eau. »

Le passeur ôta son chapeau de paille et salua l’étameur avec les marques d’un jovial respect.

« Et vous voilà sorti de la rivière ? merci du peu ! dit-il. Je tire la révérence ; à votre place, j’aurais eu peur d’être étouffé dès mon premier plongeon. Vous avez couru un fier risque ; mais, croyez-moi, ce vin chaud vous rétablira, car vous voilà mal en point : vos yeux sont tout rouges, vos lèvres toutes blanches et votre nez un peu pincé. Buvez, notre homme. »

Jacques Sauviac ne put vaincre une répugnance qu’il ne s’expliquait pas ; mais il fit effort pour cacher qu’il souffrait, afin de ne pas alarmer ses amis. Il fut décidé qu’on avertirait Joseph Courot et le père de l’autre enfant, parce qu’il était trop tôt pour ramener Pétrus et son camarade à Uchizy ; ils avaient besoin de se refaire dans la chaude atmosphère où ils se reprenaient à la vie.

Vittorio embrassait son père avec des larmes de joie. Paul et Alice, que l’on hissa sur le char à bancs enfin arrivé, sans leur permettre de visiter les petits chizerots sauvés des eaux, assaillirent Sauviac de questions pendant le trajet de la Saône à Uchizy ; mais il répondait peu, et parfois de travers ; il était absorbé et tremblait sous la grosse couverture de laine dont on l’avait enveloppé par-dessus ses vêtements secs.