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entre lui et le noyé qu’il soulevait de son bras droit en nageant de la main gauche et des pieds ; ce fut sur la surface de la rivière une mêlée de bras et de jambes au milieu d’un clapotement d’eau.

Alourdi par ses derniers vêtements qu’il n’avait pas pris le temps de quitter, Sauviac allait disparaitre à fond, entraîné par les efforts inconscients de l’enfant, lorsque le passeur donna un coup de gaffe sur l’épaule du noyé pour achever de l’étourdir, puis tendit cette perche à Sauviac qui s’en servit comme d’un point d’appui. Bientôt le bateau remontait le courant ; mais Mme Chardet s’inquiéta en voyant que Sauviac, étendu dans le fond de l’embarcation, ne donnait guère plus de signe de vie que les enfants sauvés de la rivière.

Une demi-heure après, les deux enfants, dont l’un était Pétrus, inondaient les dalles de la cuisine de l’eau qu’ils avaient bien involontairement ingurgitée, et ils étaient fourrés côte à côte par la vieille Boullud dans le lit qui n’avait pas été défait. Elle les y bordait, en grommelant, à l’adresse des gamins imprudents, des gronderies qu’ils entendaient à peine. Leur teint était encore verdi par l’angoisse, et leurs dents claquaient dans leur bouche aux lèvres violettes.

Au même moment, Sauviac rentra dans la cuisine, vêtu d’habits appartenant au passeur, qui lui dit :

« Il s’agit maintenant de vous réchauffer, mon brave, car vous en êtes un, j’en réponds. Beaucoup auraient lâché ce chéti Pétrus pendant qu’il mordait et vous donnait le croc-en-jambe ; mais le coup qu’il aurait bu alors eût été le dernier… Voyons, prenez ce verre de vin chaud et trinquons… À votre courage ! mon ami. Vous avez l’air encore tout transi ; ça vous remettra. »

Sauviac voulut faire raison à cette santé si cordialement