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peignoirs de bain, Paul armé des piquets de la tente, et Vittorio poussant la voiture d’Alice.

Il faisait chaud, à cette heure-là, sur cette route bordée de haies, embaumée de clématites, que l’on appelle la Vic des Fourches, sans doute parce qu’elle offre plusieurs carrefours de chemins se croisant dans des directions divergentes ; aussi pendant longtemps, les enfants, qui avaient une vingtaine de pas d’avance sur les grandes personnes, cheminèrent sans rien dire. Enfin Alice suivit de l’œil un vol d’hirondelles qui dessinaient dans l’azur ardent les fourches noires de leurs ailes, et elle dit :

« Qu’ils sont heureux, ces oiseaux ! ils volent si vite, si loin, et moi, on me défend de courir !

— Oui, dit Vittorio, je n’ai jamais vu des hirondelles fendre l’air sans envier leurs ailes. Que ce doit être bon de voir du pays, de suivre le printemps, de courir le monde à son gré ! »

Cette réflexion déplut à Paul ; il crut y voir un manque d’amitié de la part de Vittorio.

« Voilà comment tu es, toi ! lui dit-il avec humeur. Quand tu as passé trois semaines quelque part, tu te dis : Maintenant, je connais cet endroit, j’en ai assez. Allons en voir d’autres. Je sais ce que ces gens peuvent me dire. D’ici à leur mort, ce serait la même chose ; allons faire de nouvelles connaissances.

— Non, Vittorio n’est pas si méchant, dit Alice qui s’agita dans sa voiture pour pouvoir tendre la main à leur ami. Celui-ci fut frappé de l’amertume avec laquelle Paul avait parlé.

— C’est bien mal interpréter, dit-il, une idée qui peut passer dans la tête de n’importe qui. Est-ce que tu n’aimerais pas, toi aussi, à voyager ?

— Ce n’est pas la question ! s’écria Paul en frappant du