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sottises quelquefois. C’en était bien une que de démantibuler notre unique horloge comme je me suis avisé de le faire y a deux ans. Je voulais voir comment elle marchait, qu’est-ce qui faisait tourner l’une contre l’autre ces roues à petits crans ; enfin, j’étais là, le cœur tout battant, parce que je sentais bien que c’était très mal de déranger ce que je n’étais pas capable de remettre à bien, quand ma mère est entrée… Elle est très bonne, ma mère, mais vive, et je vous prie de croire qu’elle n’a pas été plus contente que maître Chardet tout à l’heure. Après m’avoir grondé comme je le méritais, elle m’a dit : « Tu n’auras à manger que lorsque « tu auras fait marcher cette horloge que tu as arrêtée. » Et j’étais bien embarrassé, allez ! car j’avais tout dévissé, et je ne connaissais plus rien à tous ces petits morceaux de cuivre que j’avais cru pouvoir remettre en place après les avoir démontés. Je suis bien resté huit heures devant la table, pleurant ma sottise, et j’y serais resté plus longtemps, si M. Lebois, le percepteur, n’était entré en passant et ne m’avait redonné du courage en me rappelant que je lui avais arrangé son tournebroche qui était dérangé. Il m’ouvrit sa montre et me démontra la manière dont s’agencent et marchent les ressorts ; mais il ne voulut pas toucher à l’horloge. Il me dit que ceux qui font les sottises doivent les réparer à eux tout seuls. Cela, c’était juste ; je le trouvais pourtant un peu dur, parce que je n’avais pas mangé depuis la veille et qu’il était plus de midi. Enfin je m’essuyai les yeux, me disant que pleurer ne sert à rien, et je me mis à l’ouvrage. C’est mon dîner qui me parut bon, à deux heures de l’après-midi, et aussi la plaisanterie de mon père qui revenait à cette heure-là de Riom : « Tu as donc payé ton « apprentissage d’horloger, mon Torio ? » Ah ! oui, je l’avais payé de mes larmes et de l’impatience de mon estomac, et