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Malgré cette explication entortillée, Claude Chardet comprit que son fils était le coupable ; aussi il quitta la chambre furieux, en se disant qu’il ne manquait plus à Philibert, pour être ridicule, que de composer des compliments.

Le succès de la journée ne fut donc pas pour le poète improvisé, mais pour Vittorio, dont tout le monde apprécia également l’ingéniosité de main. La petite voiture d’Alice, bien que construite de matériaux un peu disparates, réunissait tous les avantages de légèreté et de commodité. De petits coussins de coutil, agrémentés de galons rouges par la tante Catherine, qui avait collaboré en secret à cette surprise de la façon de Vittorio, en garnissaient le siège, et une gaine fixée au dossier maintenait une ombrelle au-dessus de la tête d’Alice pendant qu’on la promenait dans les allées du jardin.

Paul admirait beaucoup cette industrie manuelle capable de tirer parti de tout. Il croyait si bien son ami assez habile pour arranger tous les engins disloqués, que le lendemain du jour où la voiture avait été inaugurée, Claude Chardet recula de surprise et de colère en trouvant, décroché, entre les mains des deux jeunes garçons, le mécanisme de l’horloge qui, depuis plus de cent ans, sonnait les heures dans la salle basse du logis vieux. Il y avait bien six mois qu’elle était détraquée, qu’on n’entendait plus son tic-tac ni ses bruits de ferraille au claquement des heures, et que ses gros poids ne remontaient plus sur leurs chaines de cuivre. Le propriétaire des Ravières avait dit cent fois qu’il la ferait arranger, et le fait est que ses aiguilles avaient un air morose dans leur fixité sur le cadran émaillé juché en haut de la haute boite de noyer ; mais on ne se presse pour rien dans campagnes mâconnaises, et l’horloge aurait pu rester dix ans dans son triste mutisme sans le coup d’État tenté par les deux jeunes amis.