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n’avons pas assez travaillé en classe pour gagner de nous amuser ? Est-ce que tu as besoin d’étudier plus que moi ?

— Certainement oui, répondit Vittorio. Toi, tu as tout à souhait pour apprendre, et de plus, tu n’as pas autant que moi besoin de valoir par toi-même. Tu as une famille riche, ton pain est gagné d’avance ; moi, il faut que je sache tout ce qu’il est possible d’apprendre pour gagner le mien et soulager plus tard la vieillesse pauvre de mes parents. Tu comprends la différence ? »

Pour toute réponse, Paul lança un gros dictionnaire à la tête de Vittorio, qui esquiva le choc et releva le livre écorné aux coins avec un visible regret de cette mutilation.

« Qu’as-tu donc ? dit-il à son ami. Est-ce que je t’ai fâché ?

— Oui, tu me dis des impertinences.

— Et comment donc ?

— Tout ce que tu m’as dit signifie : « Tu as le droit d’être un imbécile, toi, parce que tes parents ont de l’argent et que tu as la becquée pour toute la vie ; moi, j’ai le devoir d’être intelligent et instruit, parce que cela servira aux miens. » Eh bien, voilà ce qui t’attrapera, je ne serai pas un imbécile ; je travaillerai très fort pendant les classes, tout en m’amusant très fort aux récréations. Adieu ! reste à grignoter tes bouquins comme un rat de bibliothèque. Maintenant, c’est moi qui ne veux pas de toi au jardin. »

Et, pour se prémunir contre un bon mouvement de Vittorio, Paul fit claquer derrière lui la porte de la salle d’études qu’il ferma à double tour. Il alla tout droit au jardin y renouveler sa tentative pour s’emparer du nid de chardonnerets. Il n’y réussit pas mieux cette fois. Afin de se consoler de cette déception, il alla la raconter à sa sœur en lui parlant pour la première fois de ce nid de chardonnerets dont il avait voulu lui faire fête.