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sont deux qui ont pris Vittorio en amitié, le curé et monsieur aux contributions, le percepteur, vous savez ? Ils donnent des leçons au petit depuis qu’il a l’âge de sept ans, et il a si bien mordu à l’étude qu’il emporte ses livres dans nos tournées. Tout le temps qu’il ne travaille pas avec moi il le passe le nez dans ses bouquins, au lieu d’aller baliverner avec les garçons de son âge. Le curé parlait bien de lui faire payer sa pension au séminaire par une dame riche, et ça plaisait bien à ma femme, vu qu’elle est un tantinet jalouse de mon amitié pour ce gars-là ; elle croit que cela fait du tort à mes filles dans mon cœur… Idée de femme ! Mais le petit n’a jamais voulu se séparer de moi ; il dit que je m’ennuierais sans lui. D’ailleurs il aime notre vie de ci et de là. Il prétend que ça l’instruit de voir chaque année du monde et des pays nouveaux. C’est un drôle d’enfant, allez ! Je l’ai vu les dimanches, quand nous étions dans les grandes villes, tourner des heures devant les figures de pierre qui sont sur les places, ou essayer, dans ce qu’on appelle les musées, de mettre au crayon sur une feuille de papier les sujets des beaux cadres dorés qui y sont pendus aux murs. Il paraît que c’est difficile ; en tout cas, c’était trop fort pour lui ; je l’ai vu plus d’une fois pleurer, oui, pleurer de sa maladresse.

— Et quelles sont ses idées pour son avenir ? demanda Philibert Chardet. Vous devez avoir de l’ambition pour un fils si bien doué ?

— Ses idées ? Il n’en a point d’autre que d’apprendre tout ce qui peut s’étudier. Oh ! il n’en voit pas si long, et je vous assure que ce garçon-là n’est point envieux de fortune. Quand je lui dis qu’à la fin il en saura trop pour rester étameur, il rit de toutes ses forces, et il dit qu’il ne méprisera jamais un métier qui lui donne son pain et lui permet de temps en temps d’acheter des livres.