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se présenta au logis neuf afin de faire honneur à l’invitation qui lui avait été faite de déjeuner avec le docteur. Le père et le fils avaient échangé leurs vieux vêtements de voyage contre des costumes complets de velours gros bleu, pantalons larges, vestes courtes, gilets de coutil, seule concession faite à la chaude saison d’été.

Toute la famille Chardet était restée à la maison, Claude Chardet se réservant d’aller rejoindre les moissonneurs au Villars au retour de son voyage de Tournus. Ce fut donc devant tout le monde que le docteur salua cordialement Sauviac accusé, avec gaieté, de couper l’herbe sous le pied des médecins ; puis il entreprit l’étameur sur le sujet de ses pratiques chirurgicales.

Il l’assaillit de questions auxquelles Sauviac ne répondit point. À mesure que le docteur parlait de tendon d’Achille, de grande veine saphène, d’articulation tibio-tarsienne et de face postérieure du calcaneum, la bouche de l’étameur s’entr’ouvrait d’étonnement, ses yeux enfoncés s’arrondissaient, et les deux grandes rides obliques de son front se surmontaient d’un petit chapiteau de rides horizontales.

« Ma foi, mon bon monsieur, dit-il lorsque le docteur eut terminé la démonstration théorique de l’opération si dextrement faite la veille, je n’entends goutte à tous ces grands mots-là. Je ne veux point passer pour ce que je ne suis pas, et, si vous êtes aussi savant que je suis ignorant, je jure que vous êtes le premier médecin de France. »

Le docteur rit de cette naïveté. Cependant il insista tellement pour savoir comment l’étameur avait acquis son expérience pratique, que Sauviac lui dit :

« Voici comment ça m’est venu. Quand j’étais à l’âge de mon Vittorio, mon père m’emmenait toujours avec lui lorsqu’il allait faire quelque opération ; il me montrait l’épaule