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de lune, pourraient-ils pas sortir à pied. Se croient-ils à l’auberge, qu’on doive les attendre jusqu’à près de minuit ? Tu vas voir si je ne leur dis pas tout net ma façon de penser ! »

Malgré ces promesses grosses d’une admonestation, Claude Chardet jubilait dans son cœur. On ne se moquerait pas de lui le lendemain à Uchizy ; les bonnes âmes ne l’assailliraient pas de compliments de condoléance ; enfin, il reverrait ce Rouget qui portait beau et dont la tête fine était étoilée de blanc, Rouget, l’orgueil de son écurie. Il tira donc lestement les gros verrous, fit rouler les battants sur leurs gonds, et, sans attendre son commandement, le char à bancs décrivit une courbe dans la cour et s’arrêta avec précision devant le perron du logis neuf. Claude Chardet laissa son fils en arrière pour refermer la grande porte ; après quoi, traversant la cour dans la pénombre causée par un gros nuage qui passait à ce moment-là sur la lune, il rejoignit près du perron les deux individus déjà descendus du char à bancs. Le plus petit, Vittorio évidemment, tenait le cheval à la tête ; l’autre, qui attendait le maître du logis, fut salué de cette bienvenue par Claude Chardet :

« Dites donc, étameur, êtes-vous content du trot de mon cheval, et les ressorts de ma voiture vous paraissent-ils assez doux ?… Vous savez, je comprends comme un autre la plaisanterie ; mais je ne l’aime point une fois que le soleil est couché.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? répondit l’homme, dont la voix n’était pas celle de Jacques Sauviac. S’il y a une plaisanterie de faite, c’est moi qui en suis la victime. J’aimerais certes mieux dormir à Tournus dans mon lit que de me voir reçu de cette façon-là où je me croyais attendu et même désiré. »

À ce moment, la lune émergeant du nuage qui l’avait