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— Possible que je me sois mêlé de ce qui ne me regardait pas, répliqua Jacques Sauviac sans se déconcerter ; de cela, je vous fais mes excuses. Mais, entre pères de famille, il me semble qu’on peut échanger un petit avis. Votre garçon est de ceux qui tournent à gauche, cela m’afflige de vous le répéter ; il m’a paru que j’avais le devoir de vous dire ceci : Si vous ne voulez pas qu’étant grand il fasse de grandes sottises, ne riez donc pas des petites qu’il commet dans son jeune âge. Voilà ce que j’ai voulu vous dire. Si cela vous offense, je le regrette. L’intention était bonne. »

L’assistance approuvant les francs propos du nouveau venu, Joseph Courot laissa tomber la discussion ; mais il prit bientôt l’offensive en mettant la causerie sur le chapitre des rebouteurs, et se moquant de leur prétendue habileté.

Jacques Sauviac ne disait mot. Le rappel à la politesse qui lui avait été fait lui imposait le silence, autant qu’une juste dignité. Il n’était d’ailleurs pas assez ignorant pour croire infaillibles les pratiques empiriques léguées à sa famille par une tradition déjà ancienne ; il sentit donc une sueur froide lui mouiller les tempes en songeant que peut-être il avait mal remis ou massé imparfaitement le pied déboité d’Alice.

Paul ne perdait pas un mot de ce qui se disait ; alarmé par ces propos malveillants, il se pencha vers Vittorio, qui était son voisin de table, et lui dit tout bas :

« Est-ce que c’est vrai que ton père a peut-être estropié ma pauvre petite sœur ? »

Vittorio redressa la tête par un mouvement de fierté offensée.

« Toi aussi tu le crois ? lui dit-il… Ils le croient donc tous ?… »

Et, sans en dire davantage, il regarda Philibert Chardet dont la figure était très pâle, Joseph Courot qui continuait à