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se faire une contenance pour ne pas ennuyer le monde qu’on reçoit. »

Philibert prit donc place à table. Quand le vin vieux eut circulé avec les fruits et les fromages, la conversation s’établit par groupes ; dans chacun d’eux le même sujet fut traité. D’un bout à l’autre de la longue table, on ne parla que de l’aventure du jour. Joseph Courot, qui avait débuté par tirer les oreilles de monsieur son fils et par le coiffer de deux bons soufflets, fut le premier à s’ébaudir des hauts faits de Pétrus ; il riait aux éclats de ses fredaines en l’excitant à les narrer tout du long aux assistants.

Cette inconséquence n’était certes pas faite pour donner à Pétrus le sentiment de ses torts. L’oncle Philibert déplora en lui-même de reconnaître que certains pères n’ont aucune idée du sérieux de leur mission ; mais, s’il était trop poli pour blâmer tout haut cette faiblesse paternelle, il y avait ce soir-là à sa table un homme moins soucieux d’observer les délicatesses de la civilité que d’exercer son franc-parler. C’était Jacques Sauviac, qui interpella Joseph Courot en ces termes :

« Pardon, monsieur, vous qui riez très fort, si la conduite de monsieur votre fils vous paraît drôle, pourquoi l’avez-vous secoué rudement lorsqu’il est entré ici ? Au contraire, s’il y a quelque chose qu’on doive reprendre dans ce qu’il a fait, pourquoi l’encouragez-vous par votre gaieté à recommencer ? »

Joseph Courot devint fort rouge et regarda de travers l’étameur, dont l’apostrophe avait suscité autour de la table bien des approbations mal dissimulées.

« Dites donc, monsieur je ne sais qui, lui répondit-il, est-ce que vous prétendez rebouter ou étamer ma conduite ?… Est-ce que c’est la mode, dans votre pays (si vous en avez un), de chercher des querelles aux gens quand on est invité dans une maison sans être connu, et comme qui dirait par grâce ?