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« Pourvu qu’il ne l’ait pas estropiée à tout jamais et qu’elle ne traine pas la jambe comme moi ! » se dit-il à lui-même.

Jacques Sauviac comprit peut-être cette appréhension, en effet il conclut ainsi le récit de l’événement :

« Foi de chrétien, leur dit-il, j’ai eu une grosse dispute avec moi-même avant de me décider à raccommoder ce pauvre petit pied. Je me demandais si j’avais le droit d’y toucher sans la permission des parents ; mais c’est plus facile à remmancher tout de suite que lorsque l’enflure est venue. Puis j’ai coutume de suivre tout droit ma première idée quand je la crois bonne… Si par hasard cette opération de reboutage n’a pas réussi, vous aurez tout le loisir de faire savoir que Jacques Sauviac de Mozat n’est qu’un sot, un ignorant, puisque je compte séjourner dans votre village jusqu’à ce qu’il n’y ait plus dans aucune cuisine un seul ustensile à étamer. J’ai d’ailleurs à réparer ma charrette ; il nous a fallu la conduire au petit pas sur les chemins noyés d’eau, et encore pousser doucement par derrière pour que les brancards ficelés ne fussent pas détachés par le tirage de la bête.

— Touchez-moi la main, dit le vieux maître des Ravières au chirurgien-étameur. Vous avez agi en brave homme, et je suis bon pour vous en récompenser.

— Il n’y a pas de quoi, répliqua Sauviac. J’accepterai mon dû, c’est-à-dire de nouveaux brancards pour remplacer ceux qui m’ont été cassés par vos coquins d’enfants… Ah ! ils sont très mignons, sauf le petit brunet… Mais je n’ai point patente de médecin ; ce que je sais, je le tiens de mon père qui a été, sa vie durant, utile aux gens de chez nous. On attrape bien des entorses et des foulures dans nos montagnes d’Auvergne. Je fais comme lui et tâche d’obliger chrétiennement mon prochain. Cela ne se paye point avec de l’argent.