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mière inspection, elle avait vu que le mauvais temps s’était localisé sur l’entonnoir de Chardonnay et sur le cours descendant de la Saône. En amont d’Uchizy, l’azur du ciel était seulement zébré de nuages gris perle dorés par le soleil couchant, arrière-garde vaporeuse de l’amas de nuées menaçantes qui avaient crevé en aval de la rivière. Il était donc possible que les moissonneurs et ceux qui étaient allés les rejoindre en eussent été quittes pour quelques gouttes de pluie fort inoffensives.

Tante Catherine revint alors en toute sécurité à ses occupations ; mais, vers sept heures du soir, lorsque la grosse troupe des moissonneurs fit son entrée aux Ravières, et qu’elle eut appris du premier d’entre eux que les enfants n’avaient point paru au Villars, elle paya d’alarmes bien vives la tranquillité dont elle s’était bercée jusque-là.

Avant même d’avoir revu son mari, elle dépêcha aux quatre coins d’Uchizy tous les messagers de bonne volonté qui s’offrirent à aller chercher les enfants. Pendant ce temps, Claude Chardet introduisait les moissonneurs dans la grange où le couvert avait été dressé. Chacun prenait place avec cette confusion un peu bruyante qui précède le plaisir de la réfection après une bonne journée de travail, lorsqu’un homme étranger à la compagnie entra, le chapeau sur la tête, et, le soulevant à demi, dit d’une voix forte :

« Salut, bonnes gens ! Pouvez-vous m’apprendre si je trouverai ici maître Chardet des Ravières ?

— Le voici, brave homme. Qu’y a-t-il pour votre service ? » lui répondit Claude Chardet.

L’homme parut embarrassé pour s’expliquer ; après avoir ôté tout à fait son chapeau, il le tourna quelque temps dans ses mains en donnant des coups de poing à sa forme de feutre mou, et il finit par dire :