Page:Blanchemain - Poésies, t. 1, 1880.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée
190
IDÉAL.

Dormir dans ma grotte nacrée…
Viens, beau voyageur, viens à moi ! »

Alors son voile qui se lève
Laisse entrevoir, gracieux rêve,
Un sein tout palpitant d’émoi ;
Sa bouche lascive et mutine
A l’insensé qu’elle fascine
Redit : « Viens à moi !… viens à moi !

Lui, frappé d’une folle ivresse,
Fait un pas vers l’enchanteresse.
Elle glisse sur le chemin,
Et, plus prompte que la pensée,
Sa main, comme un serpent glacée,
Du villageois saisit la main.

Alors sortent, d’entre les saules,
Des Willis aux blanches épaules,
Des nains hideux aux pieds velus :
Alors, par-dessus les ramures,
Des géants aux sombres armures
Élèvent leurs fronts chevelus.

Sur la rive et le long des îles,
Des myriades de reptiles
Roulent leurs replis menaçants ;
Des poissons inconnus dans l’onde
Dardent, de leur prunelle ronde,
De longs regards phosphorescents.

Et tout à coup, sans bruit, commence
Une ronde rapide, immense,
Où le jeune homme est entraîné.
Séduit par un amour infâme,
Il avait pollué son âme,
Et Dieu l’avait abandonné.

Vainement l’effroi le terrasse ;
Vainement il demande grâce,