Page:Blanchecotte - Tablettes d’une femme pendant la Commune, 1872.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
Tablettes d’une Femme.

la maison, et deux ont éclaté sur elle. J’ai cru être en mer, sous l’orage… Il était cinq heures du matin. Des voisines entrent chez moi, affolées.

Osera-t-on sortir ? osera-t-on marcher ? Où poser les pieds ? Le double voisinage du Panthéon et du Luxembourg fait frémir. Il n’y a pas à s’y méprendre : ce que l’on voit, ces grandes plaques rouges, ces grandes mares, c’est du sang !

Un convoi d’insurgés, — une quarantaine, hommes et femmes, — défilent, enchaînés, tête basse, au milieu de soldats qui les conduisent au peloton d’exécution. Je prends en abomination une fille du peuple qui ose dire en souriant : Je vais voir ça !

Cette capture a été opérée dans des chantiers de démolition, dans des fossés, derrière des pierres. Après le spectacle épouvantable des barricades, je ne sache rien de lugubre comme ce cortège silencieux de prisonniers…

Oui, il faut sortir ; il faut, regardant où l’on marche, aller faire des reconnaissances, s’informer des uns et des autres. J’ai ainsi traversé les dégâts de la poudrière du Luxembourg, tout cet emplacement d’ambulance où, il y a