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Qui n’a senti son être accru après la douleur ? L’homme ne sait pas la valeur du secret qu’il porte ici-bas. La prière n’a un si grand empire sur Dieu que parce qu’elle est faite dans la douleur de cette vie. L’âme heureuse n’offrirait que ses louanges ; mais offrir de son être, offrir, lorsque le malheur semble tout nous ravir, c’est le fait de ce qu’il y a de plus divin, c’est le trait même de l’Infini ! Être sublime, que celui à qui il ne reste que le désir et qui le porte vers les Cieux !

Dans l’homme, l’ardeur du saint désir n’est pas encore éteinte qu’elle est déjà vivante au ciel. La prière de la douleur s’embrase dans le sein de Dieu, comme s’il voyait cette flamme sortir de sa propre substance. La prière, comme une flèche, part de la liberté, mais la douleur la fait pénétrer

    souffrir de grands maux, remarquait Tite-Live, qu’à faire de grandes choses. » — «C’est un grand malheur, observait Cicéron, de n’avoir pas éprouvé de peines. » — « La fournaise rend ferme le vase du potier, dit l’Écriture, et la douleur l’âme du juste, » — « Le bonheur, dit le Livre de la Sagesse, fait des monstres, et l’adversité fait des hommes, » Rentre en toi, nous dit la morale. Qui sait mieux que la douleur nous frayer ce précieux chemin en nous-mêmes !