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ressortir tel ou tel point dans ce tableau, et si tu es cette nuance ou cette ombre, ô mon âme, veux-tu te plaindre d’un tel emploi ?

L’herbe se plaindra-t-elle de voir la fleur émailler sa verdure, ou cette fleur gémira-t-elle de ne pas posséder les formes de la rose ? Pour décorer la terre, le brin d’herbe est-il moins utile que la lumière ? et d’où celle-ci tirerait-elle son éclat, si elle ne pouvait éclairer la nature ! Et toi, mon âme, qu’on a dérobée au néant, te plaindras-tu d’avoir passé d’un aimable désir de l’Infini dans l’éblouissement de l’existence, et d’y prendre la forme qui doit aider à y tracer pour toujours la merveilleuse image ? songes-tu que Dieu recueille en ce moment, hors de Lui et en Lui, les variétés sans fin de la beauté, qu’il les rapproche dans l’union ineffable, où ta joie s’accroîtra de celle de toutes les âmes, elles-mêmes remplies des ravissements de l’Infini !

Eh bien ! voudrais-tu encore aspirer aux voies qui te semblent au-dessus de la tienne ? Ta mission est toujours la plus haute, puisque aucune autre ne saurait la remplir ; et la plus désirable, puisque l’amour te l’a choisie dans son plan divin. Dis-toi