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DU TRAVAIL.

a tiré avec tant de sang-froid l’horrible conclusion.

Cette économie politique portait en elle-même un vice qui devait la rendre fatale à l’Angleterre et au monde. Elle posait en principe que tout se borne à trouver des consommateurs ; il aurait fallu ajouter : des consommateurs qui payent. À quoi sert d’éveiller le désir si on ne fournit point la faculté de le satisfaire ? N’était-il pas aisé de prévoir qu’en substituant son activité à celle des peuples qu’elle voulait pour consommateurs, l’Angleterre finirait par les ruiner, puisqu’elle tarissait pour eux la source de toute richesse, le travail ? En se faisant peuple producteur par excellence, les anglais pouvaient-ils espérer que leurs produits trouveraient longtemps des débouchés parmi les peuples exclusivement consommateurs ? Cette espérance était évidemment insensée. Un jour devait venir où les anglais périraient d’embonpoint en faisant périr les autres d’inanition. Un jour devait venir où les peuples consommateurs ne trouveraient plus matière à échanges : d’où résulteraient pour l’Angleterre l’encombrement des marchés, la ruine de nombreuses manufactures, la misère d’une foule d’ouvriers et l’ébranlement universel du crédit.

Pour savoir jusqu’où peut aller l’imprévoyance, la folie de la production, on n’a qu’à interroger l’histoire industrielle et commerciale de l’Angleterre. Tantôt ce sont des négociants anglais ap-