que chez le pauvre elle se trouve étrangement modifiée et comprimée. Je connais une tyrannie bien plus inexorable, bien plus difficile à éluder ou à secouer que celle d’un Tibère et d’un Néron, c’est la tyrannie des choses. Elle naît d’un ordre social corrompu ; elle se compose de l’ignorance, de l’indigence, de l’abandon, des mauvais exemples, des douleurs de l’âme qui attendent en vain un consolateur, des souffrances du corps qui ne trouvent pas de soulagement ; elle a pour victime quiconque est en peine de sa nourriture, de son vêtement et de son gîte, dans un pays qui a des moissons abondantes, des magasins encombrés d’étoffes précieuses et des palais vides.
Voici un malheureux qui a pris naissance dans la boue de nos villes. Aucune notion de morale ne lui a été donnée. Il a grandi au milieu des enseignements et des images du vice. Son intelligence est restée dans les ténèbres. La faim lui a soufflé ses ordinaires tentations. La main d’un ami n’a jamais pressé sa main. Pas de voix douce qui ait éveillé dans son cœur flétri les échos de la tendresse et de l’amour. Maintenant, s’il devient coupable, criez à votre justice d’intervenir : notre sécurité l’exige ! Mais n’oubliez pas que votre ordre social n’a pas étendu sur cet infortuné la protection due à ses douleurs. N’oubliez pas que son libre arbitre a été perverti dès le berceau ; qu’une fatalité écrasante et injuste a