sûrement rien d’exagéré, on est conduit à reconnaître que la masse de la population souffrante est à la population totale, à peu près dans le rapport de 1 à 9. La neuvième partie de la population réduite à la misère ! N’est-ce donc pas assez pour que nous proclamions vos institutions cruelles et le principe de ces institutions à jamais impie ?
Nous venons de montrer par des chiffres à quel excès de misère l’application du lâche et brutal principe de la concurrence a poussé le peuple. Mais tout n’est pas dit encore. La misère engendre d’effroyables conséquences : allons jusqu’au cœur de ce triste sujet.
Malesuada fames, disaient les anciens, la faim mauvaise conseillère. Mot terrible et profond ! Suivant les calculs de M Frégier, chef de bureau à la préfecture de police[1], il existe à Paris 235 000 ouvriers de tout sexe et de tout âge à l’époque du ralentissement des travaux, et 265 000 pendant la période de pleine activité. Sur ce nombre, et toujours d’après les mêmes calculs, il y a 33 000 individus qui, précipités dans les bas-fonds du vice par la misère et l’ignorance, s’agitent et pourrissent dans un désespoir forcené. Quant aux misérables qui ne demandent les moyens de vivre qu’à une criminelle industrie,
- ↑ Des Classes dangereuses de la population, t. Ier, p. 27 et suiv.