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DU TRAVAIL.

du travailleur est le même ; les uns luttent avec la terre et les saisons, ils récoltent les fruits visibles et échangeables de leurs sueurs ; les autres luttent avec les idées, les préjugés, l’ignorance ; ils arrosent aussi leurs pages des sueurs de l’intelligence, souvent de leurs larmes, quelquefois de leur sang, et recueillent au gré du temps la misère ou la faveur publique, le martyre ou la gloire. »

Cette exposition est évidemment incomplète. S’il y a des écrivains qui luttent contre les préjugés, il y en a qui les défendent. Les livres combattent quelquefois l’ignorance, mais quelquefois aussi ils l’entretiennent. Rousseau glorifie Dieu, mais d’Holbac le nie. Fénelon moralise la société, mais le marquis de Sade la corrompt. La science a ses Galilée, mais elle a ses Cagliostro, et peut-être a-t-elle fait moins de martyrs qu’elle n’a couronné de charlatans.

J’insiste sur cette distinction que M. de Lamartine a oubliée, parce que, lorsqu’il s’agira de rémunérer les travaux de l’intelligence, la première question à résoudre sera celle-ci : trouver le moyen de rémunérer le travail intellectuel, sans confondre dans la même récompense les écrivains qui enchantent et éclairent la société avec ceux qui la trompent et la dépravent ; car cela n’est conforme ni à la justice, ni à la prévoyance, ni à l’intérêt.