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DU TRAVAIL.

Vous parlez de liberté, champions intrépides de l’ordre social actuel ? Mais que vous répondent les colons quand vous osez mettre en question l’esclavage aux colonies ? « Nos nègres sont plus heureux que vos journaliers ; » et ils vous prouvent cela !

La concurrence, selon vous, aiguillonne fortement l’activité humaine ? Oui, j’en conviens ; mais de quelle sorte et dans quel but ? Chacun est irrésistiblement poussé par elle à ruiner son voisin. L’activité dont il s’agit ici est celle qui se déploie sur les champs de bataille. La concurrence ne fait, par sa nature même, le bonheur des uns qu’en faisant le malheur des autres. Elle encourage un fabricant à inventer une machine ; mais, grâce aux brevets d’invention, cette machine devient aussitôt, entre les mains de l’inventeur, une massue avec laquelle il écrase tous ses rivaux.

Un procédé industriel est découvert, qui tend à abréger le travail de l’homme ; est-ce là le résultat obtenu ? L’heureux possesseur du procédé nouveau sait trop bien à quelles conditions il lui sera donné de vaincre ses concurrents : il n’abrège pas le travail de ses ouvriers, et en renvoie un grand nombre, qui, en vertu de ce progrès, sont exposés à mourir de faim. Tel est le prix auquel la concurrence met le progrès. Elle n’excite l’esprit d’entreprise et de perfectionnement qu’en