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Le 23 juin 1520, Luther publiait son Appel à la noblesse germanique sur la réformation du christianisme ; et cette déclamation puissante retentit en Allemagne comme un coup de tonnerre. Que tardait-on ? La tyrannie romaine avait-elle encore quelque chose à ajouter à ses excès ? Pourquoi les nobles ne se levaient-ils pas pour délivrer l’Allemagne, pour la venger ? On parlait d’une société ecclésiastique distincte de la société laïque : mensonge ! Tous les chrétiens étaient prêtres, et il n’était pas de moine, d’évêque, de cardinal, de pape, qui ne fût soumis aux puissances qui tiennent l’épée. « Le pape mange le grain, à nous la paille, » disait Luther en s’adressant à l’empereur, et comme pour résumer son pamphlet terrible.

Rome ne pouvait rester indifférente aux emportements de Luther. Il est douteux, néanmoins, qu’abandonné à ses inspirations propres, Léon X se fût précipité dans des mesures de rigueur. Esprit facile, nature aimable et généreuse, Léon X était homme à aimer le moine allemand pour son érudition, son éloquence et l’éclat de son génie orageux. Mais vers le riant ami de Raphaël étaient accourus des prêtres à l’intelligence méditative, des logiciens sombres et effrayés. Ils lui peignirent l’Allemagne en feu, l’Église ébranlée, la conscience des peuples agitée de désirs inconnus, une impulsion nouvelle et funeste imprimée aux choses de l’avenir ; et, le 15 juin 1520, paraissait la fameuse bulle qui donnait à Luther soixante jours pour se rétracter, et, ce délai passé, le frappait d’anathème. Elle commençait en ces termes : « Lève-toi, Seigneur, et sois juge dans ta cause[1]»

Pendant ce temps, Luther grandissait en force, en popularité, en audace. Des nobles, Silvestre de Schauenbourg, François de Sickingen, lui faisaient promettre leur protection[2] . Et lui, de plus en plus animé au combat, il écrivait à Spalatin : « L’humilité dont j’ai fait

  1. « Exsurge, Domine, et judica causara tuam.» Omn. oper. Lulheri, t. I, p. 423.
  2. Seckendorf, Comment. de Lutheranismo , lib. I, p.111.