Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus de prudence, à l’origine, n’aurait pas empêché ce tumulte, parce que la liberté humaine ne vaut que dans les choses secondes et ne règle que les accidents. Sur des faits dont la moitié du globe devra s’émouvoir, que peut la conduite de quelques hommes, sagesse ou folie ? Chacun remue et combine, selon sa fantaisie, les grains de sable du rivage ; mais l’heure de la marée montante, nul ne l’avance et nul ne la retarde.

Cependant, l’année 1519 s’était ouverte, et, le 12 janvier, l’empereur Maximilien était mort. On le sait : entre François Ier et Charles-Quint, trop pesants tous les deux pour l’Allemagne et tous les deux redoutés de Léon X, la couronne impériale demeura longtemps suspendue. Elle fut offerte à Frédéric de Saxe ; mais il la refusa, et, en la refusant, il la mettait sur la tête de Charles-Quint. Or, ce refus généreux, que Pallavicini[1] célèbre comme une inspiration d’en haut, comme une marque éclatante des préférences de Dieu pour l’Église catholique, ce refus servit néanmoins la Réformation, par l’état d’infériorité morale et de volontaire dépendance où il plaça Charles-Quint vis-à-vis du protecteur de Luther. Aussi verrons-nous, à partir de ce moment, les coups frappés sur le trône pontifical se succéder sans interruption, la Révolution se hâter... Et la diète de Worms ne l’arrêtera pas.

Étrange et ordinaire destin des pouvoirs qui penchent ! Par les plus fougueux partisans de Rome fut provoquée cette fameuse dispute de Leipzig qui produisit tant d’émotion en Allemagne[2]. Des étudiants, accourus de toutes les universités, affluaient tumultueusement dans la ville, et, avec une curiosité frémissante, il se hâtaient vers ce tournoi, si nouveau, dans lequel allaient s’échanger, non de vains coups de lance, mais des idées terribles et des mots irréparables. Luther

  1. « Tam excelsa repudiatio, etc. » Pallavicini, lib. I, cap. XXII.
  2. Voy. dans le t. Ier des Œuvres latines de Luther, depuis la page 199, B, jusqu’à la page 244, B, le chapitre intitulé : Disputatio Lipsiœ habita, anno XIX, a notariis excepta, et encore : Sleidan, liv. I, p. 48 et 49; Pallavicini, p. 20, 21, 22, 23 et 24 ; et Seckendorf, à partir de la page 72.