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comme chef spirituel de l’humanité ; et comme tel, où pouvait-il trouver son naturel appui, si ce n’est dans la foi des peuples ? Le jour où, croyant avoir besoin d’un autre appui, son orgueil le cherchait dans le génie des artistes et des poëtes, dans un tumultueux rassemblement de soldats, dans l’opulence et la possession de vastes domaines, ce jour-là, tombé du haut de son majestueux isolement dans la foule des princes temporels, le pape cessait d’être lui : il disparaissait aux yeux de la terre.

Peut-être Léon X n’aurait-il pas songé à promulguer les indulgences, auxquelles répondit, comme on sait, le premier cri de Luther, si les fêtes, les dons, le désir d’achever la basilique commencée par Jules II, n’avaient poussé le saint-siége à l’avidité en le poussant à l’indigence. Mais Léon fut séduit par ce besoin de magnificence, « feu qui ne brille qu’à la condition de consumer.[1] » Il fallut vendre le chapeau de cardinal, vendre la charge de la pénitencerie, les évêchés, le salut des âmes. L’Église fut un marché, la religion un système d’impôts, la papauté un modèle de gouvernement fiscal, l’univers chrétien une proie.

Or, la sécularisation de l’Église, si vivement dépeinte par Érasme dans son Éloge de la Folie[2], amenait invinciblement plusieurs résultats funestes au clergé.

Les croyances du peuple s’affaiblissant, le pouvoir spirituel qui avait dominé le moyen âge chancela.

Une foule de princes et de nobles, ruinés par les combats, virent dans un soulèvement contre Rome des domaines à conquérir, des monastères à dépouiller.

La bourgeoisie, que la récente découverte de l’Amérique poussait vers l’industrie, s’irrita d’avoir à partager les fruits de son travail avec des moines avides et paresseux.

Enfin, la puissance temporelle des papes leur créait

  1. « Qcœ instar ignis tantum fulget quantum consumit. » Pallavicini, Hist. conc. Trid., pars I, lib. I, cap. II.
  2. Voy. l'Éloge de la folie, t. I, p. 212, de la traduction française de M.  de Panalbe.