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fut attaché à un poteau, la face tournée vers le soleil levant ; mais quelques-uns ayant remarqué qu’il n’était pas digne de regarder l’orient parce qu’il était hérétique, il fut tourné vers l’occident. On alluma ensuite le bûcher, et les suprêmes aspirations du martyr s’exhalèrent en cantiques au milieu des flammes. Ses cendres furent jetées dans le Rhin. Mais il laissait des vengeurs, il laissait des héritiers ; et sa touchante prédiction devait s’accomplir : « Il naîtra d’autres oiseaux qui s’élèveront à tire-d’aile au-dessus des pièges des ennemis. »

La cause que représentait Jean Huss et pour laquelle mourut aussi Jérôme de Prague, son disciple, avait tant de grandeur, que la Bohême tout entière se sentit frappée. Et tandis que, nommé pape par la grâce d’un concile, Othon Colonne paraissait dans les rues de Constance, monté sur un cheval blanc, dont l’empereur et l’électeur palatin tenaient les rênes ; tandis que, traîné en triomphe par le souverain pontife, Sigismond semblait reconnaître la supériorité du prêtre sur le laïque, l’égalité du laïque et du prêtre était proclamée par la Bohême se levant en armes à ce cri : la coupe au peuple ! Alors se réunirent, à la voix de Ziska, les trente mille guerriers qui, faisant de la montagne de Tabor leur camp et leur ville, réalisèrent la vie de famille sur un champ de bataille ; alors commença une lutte où l’on vit une poignée d’hommes anéantir coup sur coup toutes les armées qu’envoyait l’Allemagne.

Et ce qui caractérisa cette guerre des Hussites, ce fut un mélange vraiment inouï d’aspirations idéales et de cruauté. À des dévastations de couvents, à des massacres odieux, succédaient de poétiques transports. Précédés par le calice en bois, symbole de la doctrine qui devait les rendre invincibles, des guerriers farouches marchaient à côté de prêtres qui se plaisaient à la simplicité des apôtres et qui, comme saint Jean, ne baptisaient qu’avec l’eau pure des fleuves[1]. Après des ex-

  1. Æneœ Silvii de Bohen. hist., cap. XXXX|XXXX|undefined, p. 39.