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temps plongée dans les ténèbres. Dans cette seconde audience, on accusa Jean Huss d’avoir adhéré aux quarante-cinq propositions de Wiclef, que le concile avait condamnées dans sa session huitième, et dont les principales sont celles-ci[1] :

« Christ n’est pas lui-même et dans sa propre personne réelle au sacrement. — Il est contre l’Écriture que les ecclésiastiques aient des biens en propre. — Plus de moines mendiants. — L’Église romaine est la synagogue de Satan, et le pape n’est pas vicaire prochain et immédiat de Jésus Christ. — C’est une folie de croire aux indulgences. — Le peuple peut, à son gré, corriger ses maîtres lorsqu’ils tombent dans quelque faute.

Ainsi, Wiclef avait attaqué le privilège et les pratiques dont il se sert pour se maintenir, dénoncé le règne des oisifs, invoqué contre l’accaparement de la richesse l’autorité de l’Écriture, et proclamé la souveraineté du peuple.

Cette doctrine, sauf l’article qui concernait l’eucharistie, était au fond celle de Jean Huss. Aussi refusat-il courageusement de souscrire à la condamnation de Wiclef, et jusqu’à la fin il se tint ferme dans sa foi.

Entre tous les genres d’oppression et tous les genres de révolte il existe un lien caché, mais nécessaire ; il y parut bien clairement dans l’affaire de Jean Huss. Interrogé sur cet article : « Si un pape, un évêque, ou un prélat est en péché mortel, il n’est ni pape, ni évêque, ni prélat, » Jean Huss affirma résolument la vérité du principe, et l’étendant aux rois, il rappela le discours de Samuel à Saül : « Parce que vous avez rejeté ma parole, je vous rejetterai aussi et vous ne serez plus roi. » En ce moment, rapporte l’historien du concile de Constance [2], l’empereur Sigismond s’entretenait, à une fenêtre, avec l’électeur palatin et le burgrave de Nuremberg. Le cardinal de Cambrai le fit avertir, et ayant sommé Huss de répéter, en présence de Sigismond, ce

  1. Von der Hardt, cité par Lenfant, p.207.
  2. Lenfant, p. 330,