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plus élevée : la forme religieuse. Aussi la retrouverons-nous à la fin du XVIIIe siècle, cette question libératrice et inévitable, occupant les esprits, dominant les âmes, et elle n’aura pas changé d’essence. Seulement sa formule théologique aura fait place à sa formule politique ; et ce que nous en verrons sortir, ce sera le second acte de la Révolution française.

Jean Huss, venu à Constance sur la foi d’un sauf-conduit donné par l’empereur Sigismond, avait vu ce sauf-conduit indignement violé, et la perte de sa liberté ne lui annonçait que trop bien les secrètes résolutions du concile ; l’heure approchait donc où il faudrait mourir. Mais Jean Huss entrevoyait, à travers les nuages de l’avenir, des événements qui maintenaient son âme au-dessus des terreurs de la mort. « L’oie, disait-il par allusion à son nom[1], est un oiseau modeste et qui ne vole pas très-haut… Il en naîtra d’autres qui s’élèveront à tire-d’aile au-dessus des pièges des ennemis. »

Au jour fixé, Jean Huss parut devant le concile ; le visage du prisonnier était doux, tranquille et fier. On lui pouvait reprocher d’avoir poussé, en Bohême, à des scènes de violence, de les avoir autorisées, du moins ; mais la grandeur du péril avait, en fortifiant sa conviction, en redoublant l’énergie de sa volonté, adouci et calmé son cœur. Voici comment un auteur, témoin oculaire, rend compte de la première audience : « À grand’peine avoit-on lu un article contre lui, ainsi qu’il pensoit ouvrir la bouche pour répondre, toute cette troupe commença tellement à crier contre lui, qu’il ne lui fut loisible de dire un seul mot : tant étoit la confusion grande et le trouble impétueux, que pouvoit-on bien dire que c’estoit un bruit de bestes sauvages et non point d’hommes[2]… „

Le 7 juin, jour marqué pour la seconde audience, il y eut éclipse de soleil et Constance demeura quelque

  1. Huss signifie oie.
  2. Hist. des Martyrs, p. 55 ; éd. in-folio. Genève, 1619