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force et du hasard : pour les papes l’élection, pour les rois l’hérédité.

Et en se séparant du monde, l’Église n’a pas entendu vivre avec lui dans des rapports d’égalité. Elle ne s’est détachée de lui qu’afin de le dominer et de le conduire. Gloire à l’esprit, anathème à la chair ! tel est le cri qui fait tomber les rois aux pieds des papes et consacre la domination de la société religieuse sur la société civile.

Maintenant le sens des hérésies est expliqué, leur but défini. La grande inégalité à détruire était celle qui coupait l’humanité en deux, et avait pour théâtre tout l’univers. Avant de rapprocher les diverses conditions, il fallait rapprocher le ciel et la terre, élever le sujet au niveau du roi, l’esclave au niveau du maître, le pauvre au niveau du riche… Ah ! il y avait à faire, au profit de l’égalité, un bien autre effort et plus pressant : il y avait à élever le laïque au niveau du prêtre.

La révolution qui, préparée par les philosophes, continuée par la politique, ne s’accomplira que par le socialisme, devait donc naturellement commencer par la théologie.

C’était, on le voit, une haute question que celle qui allait être débattue entre le concile et Jean Huss. Mais il arriva qu’à la veille de condamner, dans un humble prêtre, le naissant génie des révolutions modernes, l’Église contribua de loin à la déchaîner, en proclamant la supériorité des conciles sur les papes. Car elle frappait ainsi l’idée monarchique ; elle frayait la route au gouvernement orageux des assemblées.

Et aussitôt fut fait un grand exemple. Accusé de rapines, d’inceste, d’empoisonnement, Jean XXII fut, aux yeux de l’Europe entière, précipité du trône pontifical, sur ces paroles de l’Évangile lues devant l’assemblée : Maintenant est le juge du monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors.

Inconséquence à jamais odieuse ! Le concile venait de porter un coup décisif à la grande fiction de l’infail-