Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tantôt les courtisanes couchées sur les coussins du Vatican, tantôt des solitaires canonisés pour s’être battus de verges au fond d’un cloître ; la force du catholicisme, son génie, ses prodigieuses conquêtes ; l’unité morale du monde préparée, mais aussi les monstrueux désordres de Rome, son despotisme appuyé sur des inquisiteurs et des bourreaux, ses usurpations, ses artifices, son opulence condamnée par le souvenir de la pauvreté du Christ, ses luttes contre le pouvoir temporel pour se l’assimiler, non pour le rendre meilleur ; puis sa longue complicité avec les rois ; la terre enfin devenue chrétienne et demeurant néanmoins couverte d’esclaves, de pauvres, d’opprimés… : voilà quelle histoire continuait, en la faisant revivre et en la résumant, ce célèbre concile de Constance, dans lequel, à côté de Balthasar Cossa, l’un des trois scandaleux papes d’alors, l’empereur Sigismond était venu s’asseoir, l’âme en proie aux soucis de l’orgueil et les mains teintes de sang.

Jean Huss était là, au contraire, pour rappeler que la doctrine de la fraternité avait une indestructible essence ; qu’altérée par l’Église, elle avait été, en matière religieuse, conservée par l’hérésie ; que même au sein des plus épaisses ténèbres, elle s’était toujours retrouvée sur quelque point de l’Europe, brûlant à l’écart comme une lampe mise en réserve et immortelle ; que pour l’anéantir, on avait en vain convoqué des conciles, rassemblé des armées, prêché des croisades sauvages, employé le fer et le feu. Jean Huss continuait tous ceux qui, sous une forme théologique, avaient protesté contre l’abus du principe d’autorité, et en avaient appelé jusqu’alors de l’Église à l’Évangile, du pape à Jésus, de la tyrannie de l’homme à la tutelle de Dieu. Jean Huss continuait Pierre Brueys, livré aux flammes ; les Albigeois, massacrés ; les Vaudois, qu’attendait une guerre d’extermination ; le Lyonnais Valdo[1], qui, vers le mi-

  1. Valdo ne fut point, comme on le croit communément, le fondateur de la secte des Vaudois. Elle remontait bien plus haut que le XIIe siècle. — Voyez, à ce sujet, Beausobre, Hist. du manichéisme, préface, 1. 1, p. 1.

    Selon le témoignage de Claude Seyssel, les Vaudois remonteraient jusqu’aux