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ques, dix-huit cents prêtres, deux cent soixante-douze docteurs, un assemblage tumultueux de princes, d’électeurs, de barons, de margraves, un peuple façonné au respect de la coutume, des milliers de soldats obéissants et farouches.

Le principe de fraternité se personnifiait dans un pauvre curé de la chapelle de Bethléem, nommé Jean Huss, qu’on avait mis en prison et qu’on allait juger.

L’appareil déployé fut solennel. Les pompes de l’Église catholique s’étalèrent aux yeux du peuple charmé. Jamais plus d’encens ne fuma ; jamais voix plus respectées ne firent monter vers le ciel le chant grave du latin. Et la croix dominait tout. Car, si le principe de fraternité que le Christ enseigna avait été méconnu ou trahi, il avait du moins survécu dans son symbole. Impérissable et adoré, le signe avait sauvé de l’oubli la chose signifiée ; et, toujours debout, la croix avait, durant quatorze siècles, convaincu d’inconséquence et de lâcheté les oppresseurs agenouillés devant elle.

Mais était-il vrai que l’Église, que les rois, que les maîtres de la terre, eussent abandonné la doctrine de celui dont ils saluaient en commun l’image attachée à un gibet ? Comment fallait-il l’entendre, cette doctrine sacrée, comment l’appliquer pour en faire sortir l’affranchissement du genre humain ? Le concile et Jean Huss représentaient, à cet égard, non seulement deux opinions contraires, mais deux traditions opposées.

La primitive égalité des chrétiens rompue ; l’Église adoptant la hiérarchie païenne ; le droit d’élire leurs pasteurs enlevé aux peuples ; les évêques dans des palais ; un pape, et ce pape sur un trône, comme César ; des pontifes se proclamant infaillibles et se montrant souillés ; le prêtre isolé, par le célibat, du reste des hommes, et n’ayant plus qu’une caste immense pour famille, que Rome pour patrie ; un mélange habile, mais impur, du spiritualisme chrétien, de l’ascétisme monacal et de l’idolâtrie païenne, pour parler au cœur de l’homme, à son imagination, à ses sens, et le dominer tout entier ;